I - Le Languedoc avant la croisade
Au XIIme siècle, dans ce vaste Languedoc qui s'étend - de la Provence à l'Agenais et au Quercy, des Pyrénées au Massif Central prédominait la famille des Comte, de Toulouse, établie au temps de Charlemagne.
Pratiquement indépendante du roi de France et plus riche que lui, elle exerçait sa suzeraineté sur un territoire presque aussi vaste que celui de la couronne.
Le domaine de Raymond VI
A la fin du XIlme siècle, en 1194, le comte de Toulouse Raymond meurt et son fils Raymond VI le remplace.
Le fief des comtes de Toulouse comprend alors, en plus du comté de Toulouse proprement dit, les comtes de Foix et d'Armagnac, le duché de Narbonne, le marquisat de Provence, les quatre vicomtes d'Albi, de Carcassonne, de Béziers et de Razès soit à peu près l'équivalent de dix-sept de nos départements actuels.
A cela il faut ajouter l'Agenais et le Quercy acquis par Raymond VI grâce il son mariage avec Jeanne de Plantagenêt, fille de Richard Cœur de Lion, roi d'Angleterre.
Il ne faut pas oublier que nous sommes dans le monde féodal où les guerres «privées» entre Seigneurs sont fréquente!.
II - La première phase de la guerre 1208 - 1211
Il nous faut présenter maintenant les aspects principaux de ce drame.
Les origines de la guerre
Comme nous l'avons dit Raymond VI succède à son père comme comte de Toulouse en 1194. Quatre ans plus tard, en 1198, Innocent III devient pape.
Déjà Saint Bernard avait essayé en vain de rétablir l'autorité de l'Eglise catholique dans le Languedoc.
Innocent III; décidé à détruire « l'hérésie » cathare, envoya dans le comté de Toulouse des légats pris parmi les cisterciens qui était l'ordre religieux de St-Bernard. Deux furent particulièrement importants: le frère Pierre d Castelnau et Arnaud Amaury, abbé de Citeaux et « général » de l'ordre.
Leur prédication, leurs débats (colloques) avec les représentants qualifiés de l'Eglise cathare n'eurent pratiquement aucun succès en dépi de l'appui fourni par un moine espagnol fanatique Dominique de Guzman, le futur Saint Dominique, qui fondera plus tard l'ordre des Frères Prêcheurs, ou Dominicains dont nous verrons le rôle essentiel.
Bien que Raymond VI fut catholique comme la plupart des seigneurs, il n'avait pas le goût d'entrer en guerre contre les cathares qui non seulement ne lui causaient aucun souci personnel mais encore contribuait largement à la santé morale du comté de Toulouse.
III - La bataille pour Toulouse (1211-1215)
L'evêque foulques
Dans la guerre déclarée à Raymond VI les hommes du pape pouvaient compter sur l'appui d'un individu redoutable: l'évêque de Toulouse Foulques.
Ce riche commerçant de Marseille avait eu une jeunesse peu édifiante et avait connu une certaine célébrité comme troubadour.
Prenant de l'âge il était devenu un catholique fanatique.
En 1205 il avait été nommé évêque de Toulouse. Les opinions de la population toulousaine étaient évidemment diverses.
Certains suivaient aveuglément l'évêque, représentant de la foi officielle. d'autres plaçaient leur confiance dans la riche bourgeoisie consulaire. d'autres enfin mettaient leurs espoirs dans le comte Raymond VI.
Pour terroriser ses adversaires, Foulques mit sur pied une « Confrérie Blanche » sorte de troupe d'assauts qui s'employa à pourchasser les Juifs et les « hérétiques ».
Les désordres devinrent tels que Raymond VI ordonna à Foulques de quitter la ville. Après les pires menaces celui-ci dut partir et il alla rejoindre le camp des croisés.
Pendant ce temps Simon de Montfort soutenu par de nouvelles troupes de croisés envoyées par le pape, et parmi lesquelles on comptait beaucoup de seigneurs allemands, vint mettre le siège devant la ville. Ses forces n'étaient pas suffisantes pour investir, et à plus forte raison enlever une cité aussi puissante, alors surtout que l'évêque, son principal soutien, avait été expulsé.
IV - révolte et écrasement du Languedoc (1216-1229)
etour de Raymond VI
Au moment ou mourait Innocent Ill, Raymond y raccompagné de son fils débarquait à Marseille, bien décidé à profiter de la haine que les envahisseurs avaient accumulée dans son malheureux pays pour tenter de reconquérir son domaine.
Dans la vallée du Rhône, qui avait été épargnée par les violences des croisés, il fut accueilli avec l'enthousiasme, par Avignon en particulier. Et bientôt l'annonce de son retour provoqua des très larges mouvements de révoltes.
Châtiment de Toulouse
Simon de Montfort vint assiéger Beaucaire qui résista courageusement pendant trois mois. Il se replia ensuite sur Toulouse et comme il craignait que la ville ne se révoltât il entreprit une grande opération de terreur. Il comrnença par brûler trois quartiers de la ville, mais ces violences déterminèrent un soulèvement général avec barricades et combats de rue.
Les chevaliers du Nord qui soutenaient Simon de Montfort durent de réfugier dans la cathédrale et ce dernier s'enferma dans le solide château Narbonnais.
Le peuple de Toulouse était victorieux mais isolé, il n'avait plus les fortifications de la ville pour se défendre contre une attaque probable des forces dont Simon disposait encore dans le comté.
V - L'inquisition
Gregoire IX institué l'inquisition
Et cependant les papes estimèrent que tout cela n'était pas encore suffisant. La répression d'ailleurs s'avérait difficile en raison du nombre des «hérétiques» de l'autorité morale dont jouissaient les Parfaits de la haine qu'éprouvait la population pour tous ceux qui avaient ravagé et persécuté le pays.
C'est pourquoi par une lettre circulaire du 20 avril 1233, le pape Grégoire IX institua l'inquisition. Le pape prévoyait la désignation de dignitaire de l'Eglise qui porteraient le titre officiel d'inquisiteur chargé d'interroger et de juger toute les personnes suspectes d'hérésie. Ils ne relèveraient pas de l'autorité des évêques mais de celle du pape lui-même.
Ainsi personne ne pourrait s'opposer à leur activité.
En fait les inquisiteurs seraient investis d'un pouvoir absolu.
L'inquisition fut confiée à l'ordre des Frères Prêcheurs ou Dominicains, constitué au cours des années précédentes par St-Dominique.
Ce moine espagnol, dont nous vous avons déjà parlé, était mort en 1221, mais il avait pris une part active à la croisade et avait été un auxiliaire et un conseiller de l'évêque Foulques.
VI Conclusion
En 1249, Raymond VII meurt, âgé de 52 ans, et conformément aux accords conclus, le comté de Toulouse revient au frère de Saint Louis avant d'être intégré définitivement aux domaines de la couronne en 1271.
Ainsi la croisade des Albigeois a conduit finalement à une extension majeure du domaine royal. Par là elle constitue une étape décisive dans la formation de la nation française.
Pour l'histoire officielle ce résultat justifie en grande partie toutes les violences, toutes les dévastations dont le Midi de la France a été la victime dans la première moitié du XIIIme siècle.
C'est là une façon simpliste de voir le mouvement historique et surtout d'absoudre des crimes qui ont été et resteront toujours impardonnables. L'avenir de la France aurait été certainement différent si la civilisation languedocienne n'avait pas été anéantie et le peuple de ce pays saigné à blanc.
Bien que pratiquement indépendant, le comte de Toulouse était vassal du roi de France et les conditions géographiques auraient tôt ou tard posé le problème de l'union du Nord et du Midi. Cela n'aurait sans doute pas été sans guerres, mais elles n'auraient certainement pas abouti aux épouvantables dévastations entraînées par la croisade des Albigeois.